D’autres vies que les nôtres – ROUGE HARTLEY x AMNESTY INTERNATIONAL x NANCY

 » La figuration est simple : une personne serre une lettre contre son torse. C’est la nuit, ou une pièce où le jour n’entre pas. d’entre ses doigts filtre une lumière chaude, comme émanant du papier froissé.

Comme le visage tronqué, nous ne voyons de la lettre que le dos : Nous n’en saurons pas davantage sur ce qu’elle contient. Nous ne saurons pas non plus qui il est ; c’est pourtant bien une personne, pas un symbole ni une allégorie. Intime et solennelle, cette image espère incarner non pas un universalisme théorique, mais la force du lien entre individus singuliers dont l’humanité est mutuellement reconnue.

En discutant avant les militants d’Amnesty International Nancy, l’importance de la lettre, de l’écriture indispensable, s’est imposée : correspondances entretenues avec des prisonniers du monde entier, lettres aux instance de pouvoir, rédactions d’enquêtes de de manifestes, le verbe est au coeur des modes d’action de l’ONG.

Une seconde idée d’une grande puissance m’est apparue commune à ces militants, et semble avoir pour beaucoup d’entre eux été le déclencheur de leur engagement : une conscience précise d’une stricte égalité de dignité fondamentale des êtres humains, où qu’ils soient et quels que soient les heurts de leur biographie. Cette idée simple, au fond, d’une connexion décisive et essentielle à d’autres vies que la sienne, trace dans la complexité du monde des trajectoires de liens en ligne droite : l’humain d’ici se sait soudain lié à celui qui, ailleurs, risque sa vie pour des raisons politiques, économiques ou sociales.

Cette idée simple engage le devoir de défendre pour chaque personne, meme condamnée ou marginale, la garantie de sa dignité et son intégrité. Et rien n’a d’avantage le pouvoir, aujourd’hui encore, de plier la géographie de la correspondance. »

Par Rouge Hartley